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Les Champions nationaux : le making-of

Pendant les trois ans de recherche qui ont abouti à la publication des Champions nationaux, l’équation du développement au Maroc, Selma Mhaoud a été accompagnée par Nabil El Mabrouki, professeur HDR à l’École nationale de commerce et de gestion, à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech et chercheur associé à Économia, le centre de recherche de HEM. Le spécialiste de stratégie, de management et de contrôle de gestion et la journaliste et analyste expliquent leur méthode de travail.

Nabil El Mabrouki

Selma Mhaoud

Selma Mhaoud

Comment vous êtes vous partagé le travail entre vous ?

Nabil El Mabrouki : Nous ne nous sommes pas vraiment divisés le travail de manière formalisée. Cela s’est fait chemin faisant avec une logique de co-construction. Les idées étaient soumises au débat, et à travers l’échange permanent et dynamique, nous avons affiné les logiques d’analyse et arrêté les choix, que ce soit les choix conceptuels, théoriques ou méthodologiques.

Selma Mhaoud : Tout a fait. Travailler ensemble nous a permis de trouver des solutions aux défis posés par le sujet. Par exemple : quel cadre est pertinent pour comprendre les champions nationaux du Maroc quand le pays ne semble pas disposer d’une véritable politique publique en la matière ? Avec l’aide de Nabil El Mabrouki et de Driss Ksikes, le directeur de la collection Les Presses de l’Université Citoyenne, à laquelle appartient ce livre, nous avons pu articuler une approche qui permet d’analyser le sujet dans le contexte de l’économie politique du Maroc.

Comment avez-vous travaillé le guide d’entretien ?

Nabil El Mabrouki : Le guide d’entretien était basé sur une revue de la littérature existante. Nous avons d’abord essayé de dégager les grands thèmes sur la question des champions nationaux. Par la suite nous avons essayé de proposer des questions pertinentes pour chaque thème. Le guide d’entretien a été testé dans un premier temps auprès d’interlocuteurs privilégiés (des experts reconnus dans le champ de l’économie politique du Maroc). Il a été ensuite affiné par un aller-retour entre le terrain et la littérature. Comme c’est un guide dans lequel nous avons utilisé des questions semi-directives, nous avons fait en sorte qu’elles puissent laisser une marge de liberté à l’interlocuteur. L’idée était d’identifier des éléments qui n’apparaissent pas dans la littérature mais émergent plutôt du terrain.

Selma Mhaoud : Il est important de signaler ici que ces éléments de terrain ont été fondamentaux pour l’analyse. Les points de vue de dirigeants de champions nationaux, de responsables gouvernementaux, d’économistes et de politologues, ont permis de compléter l’information disponible dans la littérature, notamment sur la politique industrielle et sur les rapports entre secteur public et secteur privé au Maroc.

Quelles perspectives de recherches ce livre ouvre-t-il ?

Nabil El Mabrouki : Aujourd’hui le travail qui a été fait est un pas en avant mais, comme tout travail, il a ses limites et nous en sommes conscients. C’est un ouvrage fait pour aborder la question d’une manière exploratoire et qui gagnerait à s’inscrire dans des analyses quantitatives. L’un de nos objectifs futurs est d’enclencher une réflexion dans les sphères appropriées. La finalité serait d’évaluer plus précisément les facteurs qui affectent la contribution des champions nationaux au développement socio-économique et en tenir compte dans l’élaboration des politiques industrielles au Maroc.

Selma Mhaoud : Je pense que nous vivons une période très intéressante de l’évolution de l’économie marocaine, avec une stratégie industrielle qui semble aller dans une direction prometteuse. Plus de recherches sur les champions nationaux et le développement pourrait être utile, non seulement pour orienter les politiques publiques, mais aussi pour examiner la question plus large des rapports entre l’État et le grand capital. Le Maroc n’est pas le seul pays, loin s’en faut, qui a vu ces rapports se transformer et s’adapter à l’ère du libéralisme et de la mondialisation. Il y a peut-être là aussi des pistes de recherches à développer.

Propos recueillis par ETL

30 avril 2018