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Pour un exercice de l’art dans la rue…

Le Forum des Alternatives Maroc vient de rendre public récemment un guide l’action artistique dans l’espace public. Les détails de cette belle initiative ainsi qu’un tour d’horizon des réalités de l’exercice de l’art dans la rue au Maroc, avec Ghassan Wail El Karmouni, un des initiateurs du guide.

Ghassan Wail El Karmouni

Pourquoi un guide de l’action artistique dans l’espace public ?

L’idée du guide est ancienne. Elle vient du fait du que nous avons remarqué au niveau de notre association, le Forum des Alternatives Maroc, que depuis 2011, l’occupation de l’espace public pour de la contestation a de plus en plus cédé le pas à celle de l’expression culturelle. Tout comme l’expression contestataire, l’expression culturelle subit des restrictions sécuritaires parfois injustifiées ou mal comprises. L’idée est donc venue de produire un guide à même de permettre une meilleure connaissance du cadre juridique régissant l’espace public pour les activités culturelles et artistiques. Un cadre qui n’est d’ailleurs pas spécifique à l’art dans la rue, puisque la loi confond toutes les manifestations sur la voie publique et y applique les mêmes obligations, qu’elles soient artistiques ou pas. C’est pour notre association une contribution à la démocratisation de l’espace public. En plus du volet juridique, nous proposons donc quelques conseils sur les bonnes et mauvaises pratiques dans l’espace public pour les artistes en herbe. Une manière de leur faciliter l’accès tout en évitant certains écueils. Nous voulions aussi organiser un débat entre autorité et artistes de rue mais malheureusement, ça n’a pas pu se faire…

Comment le guide a-t-il été conçu et que contient-il exactement ?

Le guide s’est dès le départ voulu participatif. Nous avons donc organisé une série d’ateliers et de rencontres entre experts et artistes de rue et promoteurs de spectacles de rue. Pour bien encadrer cela nous avons sollicité une expertise sur le cadre juridique et des différentes formes d’arts de rue au Maroc réalisé par un spécialiste de la question. Nous avons aussi insisté pour donner un aspect didactique et ludique au guide. Un travail de vulgarisation, de graphisme et d’édition ont ainsi été fourni pour répondre à cet objectif. Au final, on se retrouve avec un guide qui tient en une seule main avec une bande dessinée et plein d’illustrations explicatives, d’extraits de la loi, etc., qui, comme j’ai dit, répond à un double objectif : connaître le cadre juridique et bien préparer son spectacle dans la rue.

Comment cela se passe-t-il aujourd’hui pour les artistes qui investissent la rue ?

Je ne peux pas parler pour eux, d’autant que je ne suis pas expert de la question, mais d’après les témoignages que nous avons pu récolter durant le processus, il y a de belles histoires et de moins belles. Par exemple, si on prend la Place des Nations Unis à Casablanca où il y a une bonne vingtaine d’artistes qui l’animent quotidiennement, nous avons pu rencontrer deux couples d’artistes qui travaillent sur la place. L’un de ces couples vient d’avoir une petite fille au mois de décembre… Ça, c’est pour la belle histoire, et aussi pour illustrer le fait que des gens peuvent faire le choix de vivre de leur art… Pour le coté sombre, et comme vous le savez, la rue au Maroc n’est pas tout a fait pacifiée : on nous a signalé des cas de violence, de harcèlement etc., des phénomènes inhérents à l’espace public et avec lesquels les artistes dealent quotidiennement, en plus de la précarité qu’impose leur statut, soit économiquement, soit vis-à-vis des autorités, voire même face au citoyen lambda qui a tout aussi droit à l’espace public.

Entretien réalisé par Hicham Houdaïfa

Téléchargez le guide ici.

8 janvier 2018